Entretien avec Steve Micklewright, CEO de Trees for Life, et Laurelin Cummins-Fraser, directrice du Dundreggan Rewilding Centre, créé par cette organisation caritative
Quel défi a inspiré votre projet ?
Trees for Life possède le domaine de Dundreggan depuis 2008. Celui-ci se compose de plus de 4.000 hectares de montagnes et de forêts dans les Highlands écossais, non loin du Loch Ness. Le travail entrepris pour ramener ce territoire à l’état sauvage représente un coût significatif pour notre organisation caritative, d’où la nécessité de générer une source de revenus durable permettant au domaine de subvenir lui-même à ses besoins futurs. L’objectif plus global de Trees for Life est de « réensauvager » quelque 202.000 hectares dans une zone appelée Affric Highlands, en favorisant le retour de la forêt sauvage et en restaurant les tourbières afin de permettre à la faune et à la biodiversité de s’y développer et de s’épanouir à nouveau. Le domaine de Dundreggan se situe au milieu de cette zone et nous recherchions donc un moyen d’expliquer ce travail en partageant des informations sur le réensauvagement et ses avantages.
Quelle innovation a permis de résoudre ce problème ?
Nous avons eu l'idée de mettre sur pied un centre consacré au réensauvagement, que les gens puissent visiter pour y apprendre de visu en quoi cela consiste.
Il n'existe aucun autre centre de ce type au Royaume-Uni (et probablement dans le monde !). Nous voulons faire du centre de Dundreggan un « hub » d'éducation et d'autonomisation, incitant les visiteurs à mener leurs propres expériences d'auto-ensauvagement, en plantant un arbre indigène dans leur jardin, par exemple, ou en s'informant et en soutenant des projets de réensauvagement à travers le pays.
Nous espérons, par ailleurs, démontrer aux entreprises locales qu'il peut s’avérer rentable d'avoir une activité « positive pour la nature », en intégrant une approche respectueuse de l'environnement dans leurs activités traditionnelles. Le centre soutiendra également l'économie locale par la création d'emplois et de revenus générés par les personnes visitant le centre et les environs.
Quel impact la Banque Triodos a-t-elle eu sur votre organisation ?
Les discussions que nous avons eues avec Triodos étaient différentes de celles que nous avions avec d'autres sources potentielles de financement. Nous n'avons pas eu besoin d'expliquer ce que nous faisions, car l'importance du projet a été immédiatement reconnue et comprise.
Au fur et à mesure que nos plans financiers se développaient, Triodos nous a vraiment soutenus, en nous aidant à façonner le modèle économique nécessaire pour transformer la vision de ce projet en une réalité concrète, en insérant notre idée dans une approche pragmatique et en s'assurant que nos objectifs étaient réalisables. Leur travail nous a donné confiance et nous avons décidé de lever des fonds en utilisant la plateforme de crowdfunding de Triodos.
Les obligations d’une valeur totale de 2 millions de livres ont été souscrites en l’espace de deux jours, soit beaucoup plus rapidement que nous ne l'avions espéré. Le fait que Triodos soit connectée à un pool d'investisseurs dont l'éthique est totalement en phase avec la nôtre est absolument incroyable, et savoir que certaines personnes attendaient de pouvoir soutenir des projets comme le nôtre est réellement stimulant.
Quel a été l’impact de votre organisation dans le secteur au sein duquel vous êtes actif ?
De nombreuses personnes travaillant dans le domaine du réensauvagement sont enthousiasmées par les possibilités de connexion et de rassemblement qu'offre le centre. On nous a dit que nous repoussions les limites, notamment pour encourager les propriétaires terriens écossais à adopter une approche plus holistique de retour à la nature sauvage, en travaillant avec la nature et non contre elle.
Nous avons délibérément choisi de faire du centre de Dundreggan un centre de réensauvagement, et non un centre forestier, dans le but de changer le discours et de démontrer qu’en plus d'être favorable à la biodiversité, le réensauvagement peut être rentable. Notre approche est pionnière, mais elle a aussi une capacité de transformation.
Quel impact votre organisation a-t-elle eu sur la communauté ?
Notre communauté a été impliquée dans le projet dès son lancement et plusieurs de ses composantes ont évolué grâce aux commentaires et suggestions de celle-ci, notamment l'accent mis sur l'histoire et la culture gaéliques, ainsi que l'aire de jeux extérieure en forêt pour les enfants. Nous trouvons d’ores et déjà des moyens d'interagir avec les écoles de la région et nous espérons qu'elles seront des visiteurs réguliers du centre, ainsi que de futurs champions du réensauvagement.
De nombreux résidents locaux souhaitaient que nous incluions dans notre projet une célébration du gaélique afin que les gens puissent en apprendre davantage sur les Gaëls, qui sont à bien des égards le peuple autochtone de la région, et entendre leur langue et leur musique traditionnelle. Nous avons été frappés par le parallélisme entre le gaélique et le retour à la nature sauvage. Seuls 2% de la forêt calédonienne (la forêt primitive d’Écosse) subsistent encore, mais celle-ci s’étend à nouveau. De même, après de nombreuses années de déclin, le gaélique renaît lui aussi. L’une et l’autre sont des éléments vivants du patrimoine des Highlands et de l'Écosse, et non des reliques du passé. La culture gaélique nous en dit long sur la forme et l'histoire des terres de Dundreggan et elle jouera un rôle important dans l'éducation et l'interprétation proposées par le centre.
De quelle manière la Banque Triodos partage-t-elle votre vision ?
Dès le départ, nous avons senti que nous partagions les mêmes valeurs et le fait que la banque se concentre sur des projets pionniers, œuvrant pour des changements à long terme, a remporté notre complète adhésion.
Nous avons constaté que Triodos a la volonté d’innover. Elle est consciente des risques, mais elle est prête à aller plus loin que les autres pour apporter de réels changements. L'attitude novatrice de la banque s'accompagne d'un certain pragmatisme afin de s'assurer que les choses ne vont pas trop loin ou trop vite, et cela ressemble beaucoup à la manière de fonctionner de Trees for Life.
Triodos agit de la sorte depuis des années, s’efforçant d’orienter le secteur financier dans une voie plus éthique, et le fait que beaucoup d'autres organisations s’inscrivent maintenant dans une démarche similaire témoigne d'une mutation de la société.